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Elections du 23 juin 2004: nos questions culture/média

Chapitre 2 | Le non-respect par la RTBF d'une partie de son contrat de gestion (questions 9 à 10)

QUESTION 10: La RTBF ne répond toujours pas de manière circonstanciée endéans les 30 jours ouvrables à nombre de courriers (souvent, les plus critiques).

Son travail de médiation avec le public est en retrait dans l'émission "Qu'en Dites-Vous?" qui a évolué de rythme (d'hebdomadaire à mensuel)... Dans le numéro marquant son retour, fin janvier 2004, le direct et la présence d'un téléspectateur (à qui on offrait le mot de conclusion) sur le plateau ont disparu.

Ne craignez-vous pas que la médiation se transforme en communication?

Cette attitude pourrait dévaloriser l'ensemble de la fonction de médiation auprès du grand public (celui-ci découvre cette fonction tout particulièrement grâce à la médiatisation télé de "Qu'en Dites-Vous?") au moment même où vous avez jugé utile de créer un Service de Médiation pour la Communauté française...

Que pensez-vous de cette "médiation" audiovisuelle? Est-elle indispensable? Comment l'améliorer à la RTBF?


logo PS

- Christian Dupont, Ministre de la Culture (PS): Je pense que le problème de la médiation est lié à celui de l'éducation aux médias. Celle-ci est un problème fondamental pour lequel on n'a sans doute pas encore assez réfléchi à ce qu'il fallait faire. Il est clair que le média télévisuel peut être extrêmement manipulateur. Il est sélectif dans ce qu'il montre. Il est très rapide dans ses analyses. Il peut donc être fort réducteur. Il correspond bien à cette société fast-food. Certains sont vacciné par rapport à cet état de fait, d'autres se laissent emporter. Donc, l'éducation aux médias est indispensable même si, personnellement, je n'en cerne pas bien les contours. Je ne sais pas bien comment elle doit se pratiquer. J'ai été longtemps enseignant. À tous les élèves, on expliquait qu'il ne fallait pas prendre les émissions de télévision au pied de la lettre. Je pense qu'on le dit vraiment, n'empêche qu'emporté par le vent léger du rêve ou le confort du sofa...

L'éducation aux médias est importante, la médiation aussi. Moi, je n'ai aucun problème à ce que le téléspectateur ait le dernier mot. Dans une émission de la RTBF que j'ai enregistrée avec mon collègue Jean-Marc Nollet, ce sont les directeurs (des établissements scolaires) qui ont eu le dernier mot. Je pense que c'est bien.

Je pense qu'une bonne émission de médiation, c'est important. C'est une occasion pour l'ensemble de la "maison" de réfléchir à son évolution et de se voir critiquée de l'extérieur.

C'est un des sujets qu'il faut creuser comme il faut creuser l'éducation aux médias pour laquelle, moi, je n'ai pas encore vu de solution tout à fait convaincante. Mais on a la conviction profonde qu'il faut la faire.


logo MR

- Olivier Chastel, Ministre de l'Audiovisuel et des Arts et Lettres (MR): En tant que Président de la Commission des pétitions de la Chambre, j'ai suivi de près le travail des Médiateurs fédéraux pendant près de cinq ans. J'ai beaucoup de respect pour ce travail. Je me suis vraiment passionné pour la médiation que je connais, par ailleurs, au niveau communal, puisque j'habite une grande ville (NDRL: Charleroi emploie un médiateur qui peut affronter notamment les problèmes de télédistribution).

Je trouve que la médiation est très efficace lorsqu'elle est vraiment prise en considération, ce que, objectivement, ne fait pas la RTBF. Je pense qu'à la RTBF, on ne sait pas ce qu'est la médiation.

Un médiateur, cela doit être quelqu'un qui analyse objectivement les plaintes qui lui sont soumises. La manière dont on les interprète aujourd'hui à la RTBF, ce n'est pas cela, la médiation!

Moi, je suis d'avis très clairement que le Service de Médiation de la Communauté française intervienne aussi pour la RTBF.

Au niveau de l'état fédéral, on a soustrait aux médiateurs fédéraux un certain nombre de départements. Je pense qu'aujourd'hui, cela ne fonctionne pas bien. On a, par exemple, extrait des Médiateurs fédéraux la poste ou la SNCB. La poste et la SNCB veulent avoir des Médiateurs qui leur sont propres. Idem, pour les banques. À chaque fois, cela a diminué le niveau, la qualité du Service de médiation. Pourquoi? C'est le problème de l'indépendance du Médiateur par rapport à l'organisme. Il est clair que le Médiateur de la SNCB, c'est un agent de la SNCB. Le médiateur de la Poste est payé par la Poste. Ce n'est pas bon pour le souci d'indépendance que ces Médiateurs doivent avoir.

À la RTBF, c'est pire parce que c'est le concept même de médiation qui n'a pas été compris, je crois... Evidemment, même si l'attrait de "Qu'en Dites-Vous?" était évident à la base, et si cette émission avait un ton un peu critique et ouvert, elle l'a perdu. C'est clair!

Je ne pense pas qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain. L'émission a le mérite d'exister. Je pense que sur ce plateau, il devrait y avoir un vrai Médiateur qui viendrait expliciter pas une fois par mois, mais peut-être un peu plus souvent –autrefois, c'était chaque semaine– les différents problèmes qui lui sont soumis. Le médiateur doit alors poser un jugement indépendant par rapport aux plaintes en question. Je pense que c'est plutôt vers cela qu'on devrait aller, avec un souci de déontologie, d'indépendance par rapport aux téléspectateurs.


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- Jean-Marc Nollet, Ministre de l'Enfance (ECOLO): Oui, elle est indispensable. C'est dommage que la RTBF ait attendue d'être contrainte pour la mettre à l'antenne.

Il faut reconnaître que la RTBF se cherche. Je crois qu'elle sait qu'elle doit le faire, qu'elle va le faire. Jean-Jacques Jespers, c'était une carrure. Par lui-même, il entraînait une certaine autorité morale, un respect, y compris de ses collègues. Car ce n'est pas évident de discuter ainsi d'égal à égal sur antenne, avoir un rôle de "sage". Ce n'est donc pas évident d'assumer le départ de Jean-Jacques Jespers. C'est logique qu'il y ait des hauts et des bas pour ce type d'émission.

Je tiens à signaler ici que la Médiatrice de la Communauté française est compétente également pour la RTBF, par exemple lorsque cette dernière ne répond pas dans les délais. Je peux dire que ce nouveau Service de médiation de la Communauté française fonctionne. J'ai eu l'occasion de le tester en matière d'enseignement. C'est une manière de renforcer la RTBF sur ses propres missions. Inévitablement, quand on a un regard extérieur, on s'interroge sur le mal intérieur. Appel est donc lancé sur cette possibilité nouvelle de médiation externe à la RTBF!

- Bernard Hennebert: Le ministre Chastel pense qu'un service de médiation "interne" ne fonctionne jamais bien. Il s'interroge sur la suppression de l'obligation de médiation interne de la RTBF et le renforcement d'une médiation externe. Votre avis?

- Jean-Marc Nollet: Je n'irais pas jusque-là. L'expérience peut-être négative de la RTBF ne peut pas être généralisée.

Moi, j'ai la responsabilité de la tutelle de l'ONE. On y a introduit une forme de médiation dans son contrat de gestion. Et bien, moi, je pense que la médiation doit d'abord être vécue à l'intérieur. Mais elle ne doit pas être vécue comme une simple contrainte. Quand ce n'est pas vécu comme une volonté réelle, alors, c'est souvent inefficace.

Faut-il pour autant en tirer pour conclusion qu'il faut retirer cette obligation? Non. Cela voudrait dire qu'on ne fait plus confiance à tout ce qui est proactif, à tout ce qui est préventif. Comme si les gens ne savaient vivre en société que lorsque que la police est là! Je ne crois pas à cette vision sécuritaire.

Je pense que les gens peuvent également d'eux-mêmes se rendre compte de l'intérêt à long terme de la différence d'un service public qui veut être à l'écoute et d'autres qui sont juste là pour faire tourner les comptes en banque des actionnaires, souvent étrangers par ailleurs!

Je vise AB3... À ce propos, je ne comprends pas que les Ministres de l'Audiovisuel, même s'ils se sont succédés à plusieurs reprises, n'ont toujours pas mis ce point-là à l'ordre du jour du Gouvernement. Il reste un mois et demi avant la fin de cette législature...

Je pense qu'en terme de régulation, il faut être correct. Dans ce cas, il y a manifestement mise hors jeu. Je profite de cette tribune pour inviter mon collègue (NDLR: le Ministre Chastel) à saisir le Gouvernement de cette question importante qui avait déjà été prémâchée par ses prédécesseurs. Autrement, cela n'a plus de sens. Certaines situations sont dénoncées et on n'en tire pas les conclusions. Ce serait un précédent très mauvais pour l'ensemble des opérateurs. Je plaide pour une régulation forte à posteriori, l'autonomie totale des contenus étant respectée par ailleurs. Si l'on n'intervient pas quand les infractions sont manifestes, comment voulez-vous qu'un système de l'audiovisuel tienne sur ses pieds et qu'il tienne tête aussi aux lobbies internes? Il y a encore un mois et demi avant les élections. Je voulais simplement évoquer ce dossier!

- Bernard Hennebert: Si le gouvernement sanctionnait AB3 pour ces irrégularités qui sont d'ordre économiques (manque de création d'emplois, diffusion insuffisantes d'œuvres audiovisuelles européennes, etc.), sanctionnera-t-il aussi la RTBF pour toutes les clauses non respectées de son contrat de gestion (le Gouvernement garde sur sa table l'avis négatif du CSA pour l'exercice 2002 et peut savoir dès maintenant qu'il y aura sans doute récidive en 2003)? Ou alors, pratiquera-t-on le "deux poids, deux mesures": on punit les irrégularités "économiques" et pas celles qui touchent à la "citoyenneté"?

- Jean-Marc Nollet: C'est exactement le même principe. À partir du moment où l'on reste bloqué sur un dossier qui aurait dû être réglé depuis longtemps, forcément les dossiers suivants suivront le même itinéraire! Moi, je n'ai aucun problème pour que l'on règle tous ces dossiers avant la fin de la législature.

Cela fait plus d'une heure que l'on cause. Je trouve qu'il serait temps que l'on dise également ce qui va bien. Il y a des émissions qui sont mises à l'antenne qui méritent d'être soutenues, tant en radio qu'en télévision. Certains éléments du site internet de la RTBF méritent notre intérêt. Le souffle de Magellan apporte aussi des nouveautés intéressantes et c'est tant mieux. On connaît les problèmes de captage de la nouvelle radio "Pure FM" mais lorsqu'on y a accès, c'est franchement agréable et original. En télévision, une émission comme "Les Niouzz" mérite également d'être pointée du doigt positivement.

Je sais que j'ai été critiqué pour avoir subventionné ces "Niouzz". Je n'en ai jamais demandé un "retour"! J'ai subventionné cette initiative uniquement au moment de son lancement. Je n'ai jamais voulu que mon nom apparaisse. Lorsque la présence de cette émission fut bétonnée dans le contrat de gestion, on a mis des moyens dans l'enveloppe globale et la RTBF est donc obligée de la produire. À ce moment-là, je n'ai pas poursuivi mon subventionnement.


logo CDH

- Julie de Groote, Parlementaire (cdH): Nous, on pense que la médiation audiovisuelle est nécessaire. France 2, avec son "Hebdo du médiateur" ne s'en prive pas!

Chez nous, l'émission de Jean-Jacques Jespers était utile et a crédibilisé cette fonction de médiation.

Au niveau de la RTBF, il faut évoluer dans la perception de cette fonction. Il faut tout simplement oser la confrontation. C'est vrai que c'est parfois difficile d'être juge et partie, surtout par rapport aux "confrères" de la maison. Il faut une fois pour toute –et cela doit venir d'en haut, de la tête– se dire qu'un bon service de médiation, c'est un service qui ose aussi remettre en question à l'intérieur, sans pour autant que la personne qui est responsable de ce service ne se sente après prise à partie par les autres membres du personnel!

Donc, je résume: c'est très important d'avoir un service de médiation audiovisuel qui ose la confrontation.


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