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Arte Belgique: un alibi pour en finir avec l’éducation populaire

C’est en octobre que le conseil d’administration d’Arte reconduit sa convention qui le lie à la RTBF pour le décrochage appelé “Arte Belgique”. Afin de s’y préparer, la Ministre de l’audiovisuel Fadila Laanan et le Service public ont mis les petits plats dans les grands en organisant une conférence de presse à Flagey, le 25 septembre dernier, pour fêter le 1er anniversaire de 50 degrés Nord.

La suite du projet ne peut qu’intéresser Arte car c’est la Communauté française qui participe à son financement à raison de 2 millions 600.000 euros annuels (en complément de la dotation ertébéenne qui est déjà en augmentation) et également parce que la (maigre) audience belge d’Arte a rajeuni, ce qui est désormais considéré comme un critère de réussite dans l’ensemble de l’univers audiovisuel en mal de jeunisme.

Mais doit-on partager le même enthousiasme lorsqu’on est un citoyen belge?

Un échec bien masqué

50 Degrés Nord coûte environ 2,1 millions, le solde de l’aide finançant Quai des Belges, la mensuelle de fin de soirée, ainsi que la programmation du Concours Reine Elisabeth, autres éléments qui composent ce qu’on nous présente comme étant une “chaîne”.

50 Degrés Nord, le talk show quotidien présenté par Eric Russon, a permis lors de sa première saison à 394 invités de disciplines artistiques les plus variées de promotionner leurs “actualités”... mais auprès de qui?

Les renseignements dévoilés par les différents initiateurs de cette conférence de presse tiennent plus de la communication que de l’information, ce qui est un comble pour un service public et sa Ministre qui en assure la tutelle. D’entrée de jeu, Mme Laanan annonce que “...plus de 30.000 personnes regardent quotidiennement cette émission, ce qui est beaucoup par rapport aux autres programmes culturels”.

Carine Bratzlavsky, la représentante d’Arte-Belgique, explique ensuite que sur sa (pseudo) chaîne, “l’audience a augmenté de 30% de part de marché”. Mais personne ne semble oser détailler plus clairement les audiences respectives des différentes diffusions: le passage sur Arte à 20H15 et la rediffusion sur La Une selon un horaire variable: entre 23H30 et 01H00 du matin.

Il faut attendre une question d’un journaliste pour découvrir que... l’audience sur “Arte-Belgique” est des plus minimes: “Une moyenne de 8.000 téléspectateurs durant la saison écoulée” concédera Mme Bratzlavsky.

La diffusion de ce type de données qui sont essentielles pour le débat démocratique semble connaître des ratés. En effet, le chroniqueur TV d’un des quotidiens qui font la pluie et le beau temps n’en revient pas et, extrêmement déçu, s’exclame à haute voix: “Combien? 8.000?!!”.

La dotation: pour quelles priorités?

On est 100/100 “pour” la programmation de 50 Degrés Nord sur La Une ou/et La Deux avec les fonds propres de la RTBF. Mais à quoi bon avoir créé “Arte-Belgique” pour un auditoire si étroit? L’initiative est des plus onéreuses. La Ministre a indiqué lors de sa conférence de presse (pour les dénoncer) que “certaines voix se sont élevées pour déclarer qu’avec cette somme, il aurait été possible de financer cinq théâtres ou de soutenir dix longs métrages”.

La RTBF manque de budgets? Faux. En fait, elle dépense des sommes exorbitantes pour des programmes qui intéressent les annonceurs mais qui ne sont pas prioritaires dans ses missions de service public. Les budgets de plus en plus élevés accordés aux sports spectaculaires ou à l’achat de séries (ainsi que la monopolisation du prime time par ces programmes) se font en défaveur d’un financement conséquent (et d’une exposition “grand public”) de thématiques sociales, culturelles ou d’éducation permanente. C’est dans ces secteurs-là qu’il faudrait freiner les dépenses pour refinancer en interne sérieusement des programmes tels qu’un agenda culturel.

La Ministre Laanan avait probablement perçu l’écueil dès le départ. Alors, pourquoi a-t-elle accordé son feu vert? Elle devait bien se douter que l’audience d’”Arte Belgique” ne serait que symbolique puisque c’est son cabinet qui avait fortement suggéré que la RTBF rediffuse 50 Degrés Nord sur La Une. Et comment a-t-elle pris, quelques mois après le démarrage d’”Arte-Belgique”, le coup de poignard de la RTBF qui supprima Javas, un agenda culturel aux propositions plus pointues (et donc ne faisant pas double emploi avec le magazine d’Eric Russon), produit “en interne” de manière peu onéreuse et qui faisait ses preuves lorsqu’il était multidiffusé efficacement (avant Magellan...)? Ce qui permit à plus d’un d’ironiser sur ses déclarations fort peu prémonitoires parues dans les colonnes de La Libre Belgique (05/05/2006) et selon lesquelles Arte Belgique était un “bon projet”: “Cette chaîne supplémentaire ne videra en rien la contenu de La Une et de La Deux. Ce sera un plus”.

Comme Club RTL

Il y a, certes, un raison économique qui guide tout ce processus et dont les intéressés et la presse conventionnelle se gardent bien de parler. La création d’”Arte-Belgique” (et son agenda quotidien en prime-time) devait éclipser la décision de retarder sur La Deux les programmes culturels de 20H à 22H50. Anticipant la décision prise cet été au Parlement par la coalition PS-CDH (à l’exception courageuse du parlementaire Jean-Paul Procureur, ex coordinateur de Cartes sur Table) qui permet à la RTBF d’engranger davantage de recettes publicitaires, Alain Gerlache et Yves Bigot, directeurs successifs de la télévision, avaient décidé que La Deux devrait attirer davantage les annonceurs et transformèrent donc la nature de cette chaîne. Autrefois dédiée aux directs, aux rediffusions, à la culture, à la jeunesse et aux sports, La Deux devrait désormais s’approcher d’un “Club RTL”, comme le signifiait Yves Bigot à Vers l’Avenir, le 01/04/2006. Quelques semaines plus tôt (le 23/02/2006), au même quotidien, Alain Gerlache déclarait: “Si le projet de Bel Arte (NDRL: premier nom d’Arte-Belgique), qui concentrerait toute la culture aujourd’hui diffusée sur La Deux aboutit, notre deuxième chaîne pourrait devenir plus divertissante et branchée”.

Ce projet a été mis en place et les heures de grande écoute de La Deux proposent désormais des programmes qui n’ont plus aucune dimension “service public”. Du lundi au vendredi: le talk show Toute une Histoire de Jean-Luc Delarue (17H55), le feuilleton Plus Belle, la Vie (18H55), le feuilleton Une Maman Formidable (19H30), une énième rediffusion du mini programme Un Gars, Une Fille (19H55), le mini programme Cotes & Cours (20H05). Le menu des soirées (vers 20H15) de cette semaineest tout aussi éloquent: le sport avec Studio 1 (le 8 octobre); le film américain “Jennifer Eight” (le 9); le film américain “Sidewalks of New-York” (le 10); “Le meilleur de l’humour” (le 11) et le film français “Quelqu’un de bien” (le 12). Ces soirs-là, au moment où beaucoup s’apprêtent à aller dormir, vers 22H50, commencent les programmes dits culturels.

Quant à la rediffusion de 50 Degrés Nord sur La Une, elle est programmée cette semaine vers 23H35 (le 8 octobre), 00H00 (le 9), 00H15 (le 10), 23H45 (le 11) ou 23H55 (le 12).

Ignorée, la mission d’éducation populaire

Le service public devrait s’acquitter de deux missions culturelles complémentaires. Informer le public déjà sensibilisé, ce qui peut justifier des programmations tardives pour toucher les gens qui reviennent d’un spectacle ou d’un “cinéma”. Et, d’autre part, faire découvrir à un public non initié les chemins qui mènent à la culture. C’est cette seconde mission essentielle, qu’on appelait autrefois l’éducation populaire, qui n’est plus rencontrée. En effet, pour ces téléspectateurs, les émissions culturelles sont programmées désormais trop tardivement sur La Une et La Deux. Quant à l’alibi d’”Arte Belgique” et son 50 Degrés Nord proposé à 20H15... À la fin de la conférence de presse du 25 septembre dernier, j’ai demandé si l’on pouvait nous préciser le profil des 8.000 téléspectateurs qui regardaient ce programme et Carine Bratzlavsky, la représentante d’Arte-Belgique, nous confirma qu’il s’agissait du même public que celui qui regarde Arte régulièrement: “...un profil socioprofessionnel élevé”. La culture, dans sa forme non distractive (ce qui n’est ni un crime, ni une honte!), ne concernerait-elle donc plus à la RTBF que les gens cultivés?



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