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Nos médias (N°70 / 3 août 2008)
Lors de l’annonce de la démission du premier ministre:
Quand la RTBF “roupillait”...

En fin de soirée du 14 juillet dernier, Yves Leterme apportait la démission du gouvernement au Roi alors que, comme ironisait Pan: “...à un moment stratégique de l’histoire politique belge, la télévision de service public roupillait”.

Il ne s’agit pas pour l’hebdomadaire satirique daté du 23 juillet de “quémander une sensationnalisation de l’information” mais bien de poser la question de savoir “si la tâche d’information générale de la RTBF a bel et bien été remplie”, ce soir-là. En effet, il ne s’agit pas de considérer à tous les coups que le fait d’être le premier à annoncer une nouvelle mérite les louanges! On se souvient que lors du 11 septembre, RTL TVI fut plus prompte à réagir mais presqu’aucun observateur ne souligna, à l’époque, que le présentateur de la chaîne privée continuait à disserter dans le vague sans constater que la deuxième tour du World Trade Center était atteinte, ce que tous les téléspectateurs voyaient dans les images diffusées en direct sur leur écran! Ce jour-là, si la RTBF avait mis plus de temps à prendre l’antenne, elle proposa pourtant un travail informatif d’une plus grande rigueur que sa consoeur.

Dans le cas présent, alors qu’il s’agit d’un événement important de notre vie politique, les téléspectateurs de la RTBF devront patienter pendant huit heures et attendre l’édition spéciale du JT du lendemain présentée par Ophélie Fontana à 07H00.

Le droit à une information complète

La RTBF doit appliquer un contrat de gestion. Nombre d’articles de celui-ci sont mal rédigés et le service public qui dispose d’un service juridique performant est parfois tenté d’appliquer la lettre plutôt que l’esprit de ses obligations et “d’en faire le moins possible”...

C’est au travers de ce texte que le public détient quelques droits souvent acquis après de longues batailles. Lorsque l’on sait que chaque mot y a son importance, il est donc utile via des plaintes de chercher à ce que le CSA en analyse la portée. Au moment où la RTBF dépense des budgets substentiels pour nous inonder durant l’été de retransmissions sportives, a-t-elle encore les moyens de nous garantir une information minimale dans ses journaux télévisés? N’en fait-elle pas trop dans ces émissions sportives qui peuvent être coupées par de la publicité et donc rapporter gros, au détriment de ces séquences d’information où la présence des annonceurs est davantage réglementée? Le couac du 14 juillet nous pousse donc à interpeller le CSA sur le sens qu’il convient de donner à “complète” dans la phrase qui indique qu’il faut que la RTBF “développe une information objective, honnête, indépendante, rigoureuse, pluraliste, complète, analytique, interpellante et suscitant la réflexion et le débat sur les enjeux démocratiques de la société”.

Rien que “Belga”!

J’ai dépose une plainte en ce sens au CSA, le 15 juillet (voir encadré). La RTBF rétorque avec raison que La Première a diffusé l’annonce dans son journal parlé de 23H00. Mais alors pourquoi ce ne fut pas le cas sur sa chaîne la plus écoutée, VivaCité(1)? Des membres de la rédaction de celle-ci expliquent que l’information est tombée sur Belga à 23H08 alors que sa “dernière minute” de 23H00 était déjà terminée. Mais où est-il indiqué que cette agence de presse devait constituer l’unique outil d’investigation à utiliser par la RTBF alors que nombre d’autres médias ont détaillé la nouvelle déjà un quart d’heure plus tôt! Et surtout que penser de la coordination des moyens de la RTBF qui ont été tellement mis en évidence par Reyers lors du lancement de sa “newsroom”?

Calomnieur ou calomnié?

Le 16 juillet, dans Sud Presse, Sam Cristophe explique que la RTBF “fulmine” contre cette plainte et surtout contre son auteur, “...cet homme qui n’existe que par les critiques qu’il adresse à la RTBF, se montre calomnieux et irrespectueux du travail accompli par les équipes ertébéennes”.

Il est ici amusant de rappeler ces quelques mots prémonitoires de Marc Moulin qui préfaça mon nouveau livre Il faut sauver la RTBF: “Ce qui frappe, c’est que la RTBF, se vante à tous vents de sa “convivialité”, de sa “proximité”, de son “interactivité”, de son “dialogue permanent”. Mais dès lors qu’il s’agit de dialoguer réellement avec des citoyens, par exemple un lustucru comme Bernard Hennebert, la RTBF se transforme assez rapidement en citadelle assiégée”. L’”irrespectueux” avait pourtant dans l’une des conclusions de cet opus (en page 131) rendu hommage aux “...équipes talentueuses comme la RTBF en a si souvent formées, chaque fois qu’elle a eu l’occasion de mettre en chantier des réalisations en prise avec notre temps et notre société”!

“Que les moyens nous soient donnés...”

Que la RTBF comprenne donc que déposer plainte à son Service de médiation interne ou au CSA peut constituer un outil d’investigation utile pour un journaliste qui tente de mener un travail critique et constructif. Bien entendu, l’objectif de pareille action est de favoriser la prévention, de tenter de rendre la RTBF plus performante.

C’est précisément ce qui s’est passé dans le cas présent. Quelques jours plus tard, c’est à nouveau en fin de soirée que se déroula l’”actualité politique du jour” et, cette fois-ci, la RTBF sera plus performante, du moins par rapport au présent reproche. Sur La Deux, se diffuse en direct Le Journal des Francofolies. Pendant la présentation d’un portrait de Vanessa Paradis, apparaît un déroulant vers 23H45 qui indique qu’Yves Leterme reste premier ministre et qu’une édition spéciale du 12 Minutes sera proposée “... à 24H05”.

Bel effort, mais il conviendrait peut-être d’indiquer plus correctement “à 0H05” et de s’excuser auprès des téléspectateurs lorsqu’enfin cette édition démarra à 00H21!

Dans un nouvel article publié le 20 juillet par Sud Presse, Tanguy Dumortier qui officiait ce soir-là confirme que son 12 Minutes pouvait être réactualisé la nuit “mais encore faut-il que les moyens nous soient donnés pour le faire”. Est-ce encore une priorité face aux financements sans doute excessifs du divertissement et des sports?

Quant au simple déroulé défilant sous les images? “C’est faisable mais la décision doit être prise par quelqu’un de la hiérarchie”. Ce qui ne fut pas le cas avant que la plainte ne soit déposée au CSA(2).

Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be

(1) Dernière vague d’audience du CIM: 385.099 auditeurs en moyenne sur La Première, et 467.501 sur VivaCité.
(2) Pour déposer vos propres plaintes au CSA? Voir: www.csa.be


Texte de la plainte adressée au CSA

Le 14 juillet à 22H45, la VRT avait déjà annoncé que le premier Ministre Leterme était parti remettre sa démission au Roi et que son porte parole avait confirmé cette information. Dès ce moment-là, plusieurs sites internet de quotidiens flamands et francophones affichaient également cette donnée.

À la RTBF, rien de tel pas plus en télévision (ni la rediffusion du 12 minutes vers 00H30 sur La Une, ni la boucle de nuit sur La Deux dès 23H45 n’ont présenté ce coup de théâtre, ne fut-ce que par une phrase défilant au bas de l’écran) qu’en radio. Par exemple: pas un mot, même pas en fin du journal parlé de 23H sur VivaCité.

La RTBF qui reçoit une importante dotation lui permettant de disposer du plus important (numériquement parlant) personnel chargé de traiter l’information sur un média francophone n’a donc pas, dans ces journées considérées depuis près d’un an comme des dates importantes de notre vie politique, “développé une information complète “comme l’oblige son contrat de gestion.

Je dépose donc plainte contre le fait que cette “information complète” n’a pas été développée le 14 juillet, malgré la programmation d’émissions d’information qui sont censées être en direct en soirée, au moins en radio. La faute est d’autant plus incompréhensible qu’il ne faut pas avoir fait des études universitaires de journalisme pour savoir que les accords ou les coups de théâtre lors de négociations communautaires se déroulent souvent la nuit! La “veille” journalistique du 14 juillet était donc essentielle, d’autant plus que les nouvelles émanant du NVA en cours de soirée auraient dû mettre la puce à l’oreille de tout rédacteur en chef compétent.

On peut donc s’interroger dès lors sur le fait de savoir si le journal parlé de 23H de VivaCité qui avait l’allure du direct était préenregistré ou non? Pourriez-vous m’indiquer si c’était le cas? Et sinon sur comment pareille désinvolture professionnelle a-t-elle pu être possible dans le média de service public francophone qui fait là exception par rapport à son confrère flamand et à la majorité des autres médias écrits francophones.

La direction de la RTBF a beau s’autoféliciter de ses merveilleux résultats financiers... À quoi bon pour nous, les usagers, si c’est pour ainsi trahir son obligation d’information dans un moment aussi crucial... et prévisible!



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