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Nos médias (N°69 / 1er juillet 2008)
Des festivals d’été... aux spectacles durant toute la saison:
Que s’améliore l’hospitalité!

Cet été, la Ministre de la Culture Fadila Laanan veut que s’améliore “l’hospitalité” à l’égard du public dans les festivals subventionnés par la Communauté française.

L’attention doit être portée sur “les conditions d’accueil, de sécurité et d’hygiène” suite à différents problèmes “qui, l’année dernière, furent soulevés par des festivaliers et différents médias”.

La ministre a écrit aux organisateurs concernés ainsi qu’aux autorités locales et provinciales compétentes, là où le rapport qu’elle avait demandé à son administration a confirmé l’existence de problèmes lors des éditions 2007. D’une manière plus générale, elle s’adresse aux organisateurs des principaux festivals subsidiés pour leur demander d’être encore plus vigilants dès cet été 2008: “...en 2009, ses services prendront en compte ces éléments lors des évaluations auxquelles ils procéderont en vue de l’éventuelle reconduction des subsides à leur profit”. La ministre souhaite ainsi veiller à ce que l'image de la CF ne soit pas altérée, en évitant qu’elle soit associée “...à des manifestations qui négligeraient l’accueil de nos concitoyens, alors que ceux-ci financent ces festivals, comme contribuables via les subsides de la CF, et comme usagers culturels, en achetant leurs tickets d’entrée”(1).

Au fédéral

Cette démarche plutôt inédite (même si elle est logique) s’inscrit pour Fadila Laanan “dans la dynamique du Code de respect des usagers culturels” qu’elle a initié en février 2006 et que le JDM a détaillé dans ses deux numéros d’été 2007(2). De saison en saison, ce Code est appliqué par de plus en plus d’organismes car il est inclus automatiquement dans les textes des contrats-programmes ou des conventions qui se renouvellent progressivement.

Bien entendu, pareille régulation ne trouvera tout son sens que lorsque ses principes seront reconnus et s’appliqueront dans de nombreux pays et régions et qu’ils s’imposeront aussi au secteur de la culture plus commerciale.

Au niveau fédéral, des voix commencent à se faire entendre. Dès le 3 septembre 2007, Michel Draguet, le directeur général des Musées Royaux des Beaux-arts de Belgique, nous indiquait qu’il était “en mesure de souscrire aux points 1 à 15 du Code”(3). Le 12 juin 2008, Karel Velle, l’Archiviste général du Royaume, adopte la même position que Mr Draguet et nous indique: “...Mes collègues et moi-même sommes allés plus loin dans la réflexion. Ainsi, la section “Communication” de notre institution a élaboré un projet de Charte de qualité spécifique à l’établissement. Des mesures seront prises pour faire respecter à la lettre la qualité des services promis au public. Pour vous donner un aperçu dudit document, sachez qu’il a trait aux domaines suivants : téléphone, internet, lettre, information et inscription, salle de lecture, assistance, consultation et reproduction des documents et enfin, avis du public. Je vous remercie donc d’avoir initié un travail de bon augure au sein de notre institution. Cette démarche débouchera certainement sur des changements positifs, pour le plus grand plaisir de nos visiteurs...”.

Et en France?

Et pourquoi pareil “Code” ne pourrait-il pas faire des émules en France? Du 13 au 15 juin dernier, “Vive la Culture!”, le Forum du quotidien Libération organisé au Théâtre des Amandiers à Nanterre, proposa 53 débats de près de deux heures chacun animés par 105 personnalités devant plus de 5.000 participants. Il s’agissait, comme le souligne dans le compte-rendu des conclusions publié par Max Armaret dans le Libé daté du 17 juin, d’imaginer “...comment résister à la marchandisation actuelle... comment dans un univers où il faut chaque jour se battre contre le formatage des idées, préserver ce qui apparaît comme le supplément d’âme indispensable à la marche de notre société...”.

Première déception: parmi toutes les thématiques abordées qui vont de “Profane ou sacré” à... “la BD s’amuse-t-elle à réfléchir”, celles qui sont consacrées aux intérêts des créateurs et diffuseurs sont pléthoriques: “Un statut pour les artistes?”, “Où vont les subventions?”, “Faut-il supprimer le ministère de la culture?” etc. Par contre, nulle trace d’une réflexion en faveur des droits ou des devoirs des usagers culturels!

Reste à constater s’il s’agit d’un simple oubli et si cette thématique pourrait être facilement débattue à l’intérieur d’un de ces multiples débats. Dès l’ouverture du Forum, une réflexion sur la marchandisation de la culture fut proposée par Laurent Bayle, directeur de la Cité de la Musique, et Marc Fumaroli de l’Académie Française. Au cours du petit quart d’heure accordé aux questions de la salle en fin de rencontre, je me suis aventuré à lire un petit texte: “...C’est une piste simplissime. Mais pire que contestée ou censurée, elle n’est pratiquement jamais évoquée alors qu’elle constituerait à moyen terme l’un des boucliers pour s’opposer à une marchandisation de plus en plus généralisée de la création: favoriser l’émergence du “contre-pouvoir” des usagers culturels.

Alors que la culture se gère de plus en plus comme un produit, ce secteur d’activité ne garantit au public quasi aucune des protections conquises par le consumérisme traditionnel. Les lois qui organisent les relations commerciales entre producteurs et clients ne sont guère appliquées depuis des lustres, ni adaptées à ce secteur particulier de la vie économique, sans doute parce qu’il concerne principalement la matérialisation et la diffusion d’expressions qui “recèlent un supplément d’âme”. Soyons assuré que la diversité culturelle serait mieux respectée ou que l’Etat ne tenterait pas autant de se désengager financièrement des matières artistiques s’il existait des associations d’envergure d’acheteurs de tickets de spectacles, de visiteurs de musées ou de librairies, de fans de ciné, de collectionneurs de CD ou de DVD... Ainsi, les règles appliquées dans la diffusion culturelle sont floues, de même que les droits des usagers. En cas de contestation, ceux-ci sont souvent perdants car ils ne vont pas recourir aux services d’un avocat. Nombre d’organisateurs le savent et ne répondent même pas à leurs courriers. Autant de raisons qui expliquent l’absence d’agents consuméristes forts dans ce secteur. À la limite, quand des usagers y deviennent actifs, ils sont poussés par une sorte de “mythification” de l’artiste et vont défendre les intérêts des créateurs, ce qui est bien sûr positif mais incomplet puisque, du même coup, ils négligeront leurs propres intérêts”.

Je détaillai ensuite à l’assemblée l’existence du Code belge et pose ma question: “Pourquoi les autres pays ou régions francophones ne s’inspiraient-ils pas de celui-ci pour construire l’ossature d’un début de “contre-pouvoir” face à cette emprise de plus en plus économique d’un secteur d’activités qui devrait rester simplement humain et créatif?”.

Gérard Lefort, le rédacteur en chef adjoint à la culture de Libération qui animait ce débat, ne fera même pas réagir les deux intervenants. Deuxième déception!(4).

Petites lueurs

Si une théorisation des droits des usagers culturels peut faire peur sans doute parce que certains craignent que, ce faisant, l’on puisse assimiler le secteur artistique à un simple négoce, par contre, à plusieurs reprises au cours de ce Forum, on put constater qu’à partir d’exemples concrets, il n’y avait pas photo et que des acteurs culturels de premier plan considéraient qu’il s’agissait de s’attacher davantage au respect du public.

Par exemple, au cours du débat “Jusqu’où ira le mécénat?”, Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture et actuel directeur du Château de Versailles, et Françoise Cachin, directrice honoraire des Musées de France, constatèrent que de plus plus en plus d’œuvres étaient prêtées ou louées à de tierces institutions muséales. À ma question de savoir s’il ne devenait pas dès lors évident que le public devrait être informé avant d’acheter son ticket de ce qui était réellement exposé, ils constatèrent qu’effectivement il n’était plus adéquat de simplement signaler, comme cela se pratique actuellement, ces décrochages à l’endroit où lesdites œuvres auraient pu être admirées et qu’il faudrait trouver à l’avenir le moyen d’informer dès le hall d’entrée du musée de leur accessibilité ou non au moins pour les œuvres maîtresses(5).

Quant à Bernard Foccroulle, actuellement directeur du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, au cours d’un débat qu’il coanimait avec Jerôme Clément (voir encadré), fut l’un des rares intervenants culturels à prendre une position nette non pas en faveur d’associations de “consommateurs” culturels (terme qu’il exècre dans ce contexte, à juste titre) mais bien de regroupements d’usagers ou de citoyens. Pour lui, ce manque d’associations d’envergure “est un problème très important à travers toute l’Europe. Le monde culturel donne l’impression de se défendre lui-même. On serait plus fort si l’on avait des associations qui nous soutenaient. Cela se ressent surtout pendant les moments de crise. C’est exact que le monde culturel n’a pas su s’organiser sur ce point de vue et c’est l’un de ses points faibles”.

Après le constat, il reste bien entendu à favoriser l’émergence de pareil consumérisme culturel.

Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be

(1) Si durant cet été, vous aviez des constats ou réflexions à développer à propos de cette thématique, adressez votre courrier à la Direction Générale de la Culture du Ministère de la CF, au 44, Bld Léopold 2, 1080-Bruxelles.
(2) Les 3 juillet et 7 août 2007. Pour redécouvrir ces articles ainsi que la vingtaine d’exigences du Code, voir: www.culture.be
(3) Les point 16 à 18 indiquent au public comment faire appel à un bureau de conciliation pour les plaintes concernant un organisateur établi en CF, point qui devrait bien entendu être adapté au fédéral.
(4) Ce texte, plus détaillé et émaillé d’exemples concrets, fera l’objet d’une “carte blanche”. Celle-ci sera refusée par deux quotidiens français à qui elle sera proposée successivement. Par contre, elle deviendra le sujet de la rubrique Contrechamp du quotidien suisse Le Courrier, le 19 juin (page 8). Voir: www.lecourrier.ch
(5) Ce débat est l’un des six de ce Forum enregistrés par France Culture qui sont diffusés durant cet été et podcastables jusqu’au 23 août 2008. Parmi les autres personnalités que vous pourrez y entendre: Christine Albanel, Jack Ralite, Laurent Joffrin, Jean-François Kahn, Bernard Henri Levy, etc.


Une soirée “pub télé” bientôt sur Arte?

La plupart des chaînes de télévision parlent mal de la suppression de la pub sur le service public notamment parce qu'elles sont "juge et partie" ou parce qu'elles se doivent de cultiver de bons contacts avec leurs annonceurs. Sur ce thème, à la télé, on donne la parole surtout aux personnalités politiques ainsi qu’aux représentants des travailleurs de l’audiovisuel ou des créateurs. Les usagers du petit écran ainsi que la société civile ne sont guère invités à débattre.

Le 14 juin à Nanterre, le débat du Forum de Libération intitulé “Quelle mission culturelle pour la télévision et les institutions?” était retransmis sur France Inter et filmé pour le site internet d’Arte (1). Nous y avons mis face à ses responsabilités Jérôme Clément, le président d’Arte France. En effet, la chaîne qu’il dirige est exempte de publicité, ce qui devrait lui permettre de donner d’une manière plus équilibrée la parole tant aux émetteurs qu’aux récepteurs de l’activité médiatique et ainsi de mieux cerner au cours d’une soirée spéciale la thématique de la diminution ou de la suppression de la pub sur France Télévisions ou sur la RTBF, l’absence de la pub après 20H00 sur le service public allemand, etc.

Mr Clément indiqua que cette proposition est tout-à-fait “acceptable”: “...On peut parfaitement la concrétiser. Il est encore temps, à condition de la traiter sous son aspect européen. J'accueille volontiers la suggestion. Ce serait une très bonne idée”.

Quelques jours plus tard, un fait parmi tant d’autres démontrait l’utilité qu’Arte traite enfin de cette thématique avec un certain recul! Le 18 juin, David Pujadas consacrait une page importante du 20H de France2 à la présentation du rapport de la Commission Coppé(2) et des grèves de l’audiovisuel développées à cette occasion. Seul invité en plateau: Jean-Pierre Guérin, producteur des nombreux télé-films qui dût répondre à des questions aussi orientées que “On dit que sans la publicité, il n’y aura plus d’obligation d’audiences...” et qui peut jouir également d’un étrange cumul des rôles professionnel-usagerque le présentateur du JT lui offrit sur un plateau d’argent par ces mots: “C’est d’abord au téléspectateur qu’est aussi notre invité que je m’adresse...”.

(1) Toujours visible sur www.arte.tv/fr/70.htlm
(2) Le groupe de réflexion qui a planché pendant quatre mois sur la suppression de la pub sur le service pub français.



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