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Nos médias (N°10 / 30 mai 2006)
La lettre d’un auditeur de la RTBF découvre le pot aux roses:
Censure sous forme d’un "programme de musique continue"?

Si vous êtes insatisfait de la réaction de la RTBF à l’une de vos plaintes, quel recours pouvez-vous envisager?

Le quête de Roland G., est instructive. Le 10 décembre dernier, l’émission "Polyptique" n’a pas été diffusée entre 18H00 et 19H00 sur Musiq3. Notre auditeur écrit à Jean-Paul Philippot, l’Administrateur général, pour regretter qu’aucune explication n’ait été donnée au public à propos de cette évolution de la programmation.

Le contrat de gestion de la RTBF prévoit que celle-ci doit répondre dans les trente jours ouvrables "de manière circonstanciée" aux plaintes et demandes d’information écrites.

Une vaine régulation...

Deux mois se sont passé sans aucune réaction. Roland G. dépose alors plainte au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour non réponse à son courrier dans les temps impartis, tout en redétaillant le contenu de son questionnement.

Dans ses attributions, l’organe de régulation détient la possibilité de condamner le service public pour ce non-respect de cette obligation de répondre. Pourtant le 21 février, il écrit au plaignant qu’il n’est "pas compétent en matière de programmation" et lui conseille "de prendre contact avec deux organismes plus à même de l’aider: le Médiateur de la RTBF ou le Médiateur de la Communauté française".

...et une vraie médiation!

Notre auditeur opte pour Marianne de Boeck, la Médiatrice de la Communauté française, à qui il confie son dossier, le 28 mars. Celle-ci réagit rapidement: le 3 avril, elle lui écrit que le CSA "a visiblement interprété la réclamation comme portant sur la déprogrammation de "Polyptique" et non sur l’absence de réponse au courrier" et l’informe qu’elle adresse elle-même un courrier à la RTBF pour qu’une réponse lui soit (enfin) donnée.

Le 25 avril, Mme de Boeck adresse à Roland G. un deuxième courrier qui résume ainsi le résultat de sa médiation. En raison des congés de fin d’année, la responsable du service "relations avec le public" qui assure le suivi des plaintes des auditeurs et téléspectateurs de la RTBF n’a pu obtenir immédiatement une réponse à la question soulevée et "après ces congés, elle a omis de donner suite à votre courrier. Elle me prie expressément de vous transmettre toutes ses excuses".
Vient ensuite l’explication, un peu longue mais fort instructive, de l’absence d’explication à l’antenne de la raison de la déprogrammation de "Polyptyques". Mme de Boeck note: "Cette émission était programme dans le cadre du 75ème anniversaire de la radio publique. À cette occasion, Gérald Vinckenbosch, animateur et producteur de l’émission, proposait des interviews d’anciens journalistes et directeurs de la RTBF et, plus particulièrement, de sa troisième chaîne radio: Robert Wangermée, Philippe Dasnoy, Jean Ferrard et Anne-Marie La Fère. Alertés par le ton provocateur du texte de présentation de l’émission, Gérard Lovérius, directeur de Musiq3, et Yves Thiran, directeur de l’Information et de l’Ethique de la RTBF, ont décidé de pré-écouter l’émission, la veille de la date prévue pour sa diffusion. Ils ont constaté que la déontologie en vigueur au sein de la RTBF n’était pas respectée, dans la mesure où les questions/réponses étaient orientées dans le but de servir une seule thèse. En effet, l’ensemble des propos rassemblés ne constituaient pas la célébration du 75ème anniversaire de la radio, mais un éloge nostalgique et déplacé d’une forme de radio qui ne correspond plus au cahier des charges de Musiq3. Aucune modification de l’émission n’étant matériellement possible le vendredi soir ou dans la journée du samedi, la décision a été prise de déprogrammer l’émission et de la remplacer par un programme de musique continue. Monsieur Lovérius admet qu’il eût été préférable qu’un message d’annonce de cette déprogrammation soit diffusé, mais il n’y a pas d’équipe de régie planifiée le samedi pour Musiq3...".

La dernière remarque de Gérard Lovérius étonne car il est de notoriété publique que, chaque samedi matin, deux producteurs sont présents à la régie et s’ils avaient reçu un texte de désannonce, ils auraient pu l’enregistrer afin qu’il soit diffusé vers 18H. Mais on imagine mal qu’un avis de la RTBF explique clairement comment la direction de celle-ci avait mis une entrave à la diffusion de témoignages de personnalités aussi notoires que Wangermée, Dasnoy et consorts qui rappelaient l’intérêt d’une politique éditoriale à laquelle la récente réforme des radios a mis fin de manière autoritaire.

Pour que l’usager s’investisse

Avant d’annoncer à Roland G. qu’elle procède à la clôture de son dossier en son service, Mme De Boeck lui détaille les enjeux et l’utilité du travail de médiation: "Votre réclamation pose plus globalement la question de l’information des auditeurs en cas de modification des programmes. Aussi, je tiens à porter à votre connaissance que suite au traitement de votre réclamation, j’ai recommandé à la RTBF de prendre les dispositions nécessaires en vue d’assurer à l’antenne l’information des auditeurs, en cas de modification des programmes. En effet, une des missions du service du médiateur est de pointer les problèmes de fonctionnement des services administratifs de la Communauté française et de faire part de recommandations en vue d’y remédier, sur base des réclamations reçues en notre service... Cette recommandation figurera donc dans le rapport annuel d’activité que nous sommes tenus de rédiger à l’attention des parlementaires".

À l’inverse de l’attitude de la RTBF et du CSA, celle du Service de médiation de la Communauté française valorise l’attitude du citoyen qui s’investit bénévolement dans une démarche critique en faveur du bien commun.
Il s’agit, ici, bien entendu, d’un exemple concret qui n’a pas valeur de loi(1). Néanmoins il est particulièrement instructif et méritait d’être rendu public au moment où la ministre de l’audiovisuel Fadila Laanan va commencer la renégociation du contrat de gestion de la RTBF. Celle-ci et les parlementaires ont constaté la difficulté pour le service public d’assumer un travail de médiation avec ses usagers. Faut-il l’externaliser auprès du Service de médiation de la Communauté françaises qui sont demandeurs? Les rebondissements de la plainte de Roland G. permettent de découvrir concrètement l’intérêt de ce dossier(2).

Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be

(1) Le présent dossier ne m’a été transmis ni par le CSA, ni par le Service de médiation de la Communauté française.
(2) Adresses destinées aux usagers:

  • Service de médiation de la RTBF: BRR030/AG/MEDIATION 1044 Bruxelles. mediation@rtbf.be
  • CSA, 35, rue Jean Chapelié, 1050 Bruxelles. info@csa.be
  • Service de médiation de la Communauté française, 11-13, rue des Poissonniers, Bte 7, 1000 Bruxelles. courrier@mediateurcf.be


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