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Nos médias (N°9 / 16 mai 2006)
La solidarité dévalorisée par les paillettes

La RTBF a raison de jouer la carte de l'émotion et de la proximité dans son prime time télé du dimanche soir, mais ce n'est pas pour autant qu'elle agit en service public citoyen.

À Thuin, Gembloux ou Arlon, cinq défis sont proposés, semaine après semaine, à la population locale par l'émission "Fata Morgana": du record du monde du rire le plus bruyant au rassemblement de 500 anges dont dix seront dans les airs, en passant par des énormes banquets généralement financés par de petits (ou grands) commerçants tentés de faire leur relations publiques, parfois à la limite de la publicité clandestine, sur le petit écran.

Barbara Louys, l'une des animatrices, analyse l'enjeu de cette coûteuse production: "La RTBF renoue avec la grande tradition de la proximité. C'est un concept basé sur des valeurs universelles comme l'entraide, la mise en avant des bons sentiments. C'est la mission du service public de véhiculer ce genre de valeur" (La Capitale, 29/05/2006).

Hélas, cet objectif qui rapproche des voisins et favorise une cohésion sociale n'est mis qu'au profit d'un divertissement-paillettes davantage apparenté à des objectifs de télé privée. Celui-ci ne mène qu'à une surconsommation éphémère et c'est là que réside la scandaleuse gabegie des belles énergies des collectivités visitées.

La caravane ertébéenne partie, il ne restera que bien peu de projets cohérents à poursuivre dans les cités sélectionnées. À Ciney, n'est-il pas irresponsable de proposer comme challenge que l'organisation d'un barbecue pour 4.000 personnes à Sylviane qui se confiait ainsi aux caméras: "Ce qui me ferait plaisir, c'est de voir qu'il y a de la solidarité. Cela fait deux ans que je suis sans emploi et que je dois me prouver à moi-même que je suis capable de faire quelque chose…". Et pourquoi le défi n'aurait-il pas pu être la création d'une activité permettant à quelques Sylviane et Sylvain de trouver de véritables emplois pour une cause utile aux habitants de cette région, dans le domaine de la sécurité routière, de la culture, de l'éducation à la santé, ou que sais-je!

C'est aussi une occasion perdue que de confier la présentation et l'arbitrage de ces défis à ces quelques personnalités du divertissement auxquelles la RTBF fait excessivement appel sur ses antennes: Mario de la "Starac", Jean-Luc Fonck, les Frères Taloche, etc. On peut douter qu'elles aient davantage de charisme que certains représentants des multiples associations réellement implantées dans nos populations et qui poursuivent des objectifs culturels ou sociaux à long terme. Cumuler l'amusement et l'utilité citoyenne, c'est loin d'être inconciliable et cela répond même à une tradition de programmation typiquement ertébéenne souvent pébliscitée par le public mais, hélas, désormais enterrée par la direction actuelle du service public. Philippe Andrianne, le Secrétaire général de la Ligue des Familles, plaide à juste titre pour "une intégration volontariste d'une dimension éducative dans les émissions de divertissement et d'attractivité ludique" (Le Ligueur, 12/04/2006).

Les ingrédients du savoir et du délassement peuvent très bien se compléter. Les sept soirées du mardi (vers 20H40 sur La Une) consacrées par la même RTBF depuis le 25 avril dernier à "Moi, Belgique" le prouvent magistralement. Annie Cordy y conte avec enthousiasme la vie de notre plat pays de 1813 à 2003. Sa présence pétulante encadre des interviews d'historiens "sérieux" (G.Kurgan, E.Gubin, J.Puissant) que le vaste public découvre avec intérêt. Voilà de l'utile vulgarisation divertissante!

Bernard Hennebert
bernard.hennebert@consoloisirs.be



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